mardi 10 mars 2015







La pierre du matin



   
Eugène Delacroix





 La tête plus lourde que le cœur
le fardeau sur l'épaule
Qu'on avait cru perdu dans les plis de la nuit
Le jour dans la fente de l'huis
Comme en la boîte gourmande une carte glissée
Avec ses cauchemars inscrits
Et les songes maudits, tout le poids de l'hier
Dans le faix d'un jour gris
Les yeux percent l'écume épaisse du ciel
Derrière il est une grande lumière
Il est un chaud soleil
Les lézards verts les lézards gris
Buvant la chaleur de la pierre
Dans la chevelure d'or des étés oubliés
Le souvenir en la chair est gravé
Mais ce n'est qu'un pavé posé sur la poitrine
Et qui s'est refroidi
On voudrait se lever, secouer cette pierre tombale
Et rire d'un rire tout léger...
Une main quémandeuse heurte la fenêtre du jour
Peut-être épanouie de chaleur et d'oubli
Mais ce n'est qu'une lettre porteuse de soucis.
                                                                        






Anne Dupin
juin 1965