lundi 16 mars 2015







Mon âme numide




                

photo                                            Marie  Saorin  Gantès




Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette splendeur,
et comme un haut fait d'armes en marche de par le monde,
comme un dénombrement de peuple en exode
comme une fondation d'empires par tumulte prétorien,
ha! comme un gonflement de lèvres sur la naissance des Livres,
cette grande chose sourde par le monde
et qui s'accroit soudain comme une ébriété.

Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette grandeur,
cette chose errante par le monde,
cette haute transe par le monde,
et sur toutes grèves de ce monde,
du même souffle proférée, la même vague proférant.
Une seule et longue phrase sans césure à jamais inintelligible...

Toujours il y eut cette clameur, toujours il y eut cette fureur,
et ce très haut ressac au comble de l'accès,
toujours au faîte du désir, la même mouette sur son aile,
la même mouette sur son aire, 
à tire-d'aile ralliant les stances de l'exil,
et sur toutes grèves de ce monde, du même souffle proférée,
la même plainte sans mesure
à la poursuite, sur les sables, de mon âme numide...


                                                                                      

Saint John Perse 
"Exil" (extrait)