lundi 20 juin 2022

 

 

CORDAGES

 

 

Ron  Hicks


 

 Les grandes sources de lumière du printemps

se sont ouvertes ce matin.

les hirondelles éclatent 

comme des larmes insoupsonnées

et s'évanouissent comme des cris de joie.


Les rires des choses en rumeur,

je les sens au fond de mes orbites,

et voici les grosses larmes lentes du printemps,

les grands pétales spectraux dans la lumière douce

comme une main chargée de calme.



Gabriel Roure

"Feux de position"

(extrait)

 

 

 

 

dimanche 8 mai 2022

 

 

À  CLAIRET 



Aldo  Balding



Le choc de la lumière

Les portiques de l'air

Le soleil grelottant

Dieu doit s'ennuyer


Douces courbes

La brise les brise

Seins ou nuages?

Frimas et verglas

s'effeuillent dans les veines


Colonnes infinies

Je suis las d'être moi.



Gabriel Roure

"Feux de position

et autres poèmes"

 

 

 

 

mardi 3 mai 2022

 

 

LE  BATEAU  IVRE      (extrait 2) 

 

 

John Singer Sargent  (détail)


 

 

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies

baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,

la circulation des sèves inouïes,

et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs!

 

Arthur Rimbaud

 

 

  




 

 

LE  BATEAU  IVRE   (extrait 1) 

 

 

Ferdinand Hodler   (détail)


 

 

Je sais les cieux crevants en éclairs, et les trombes,

et les ressacs et les courants, je sais le soir,

l'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,

et j'ai vu quelque fois ce que l'homme a cru voir.

 

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,

illuminant de longs filaments violets

pareil à des acteurs de drames très antiques  

des flots roulants au loin leurs frissons de volets!

 

 

Arthur Rimbaud

 

 

 

 

 

 

J'AI VU REVENIR LES CHOSES...

 

 

Lucian Freud

 

 

J'ai vu revenir les choses de l'année dernière:

l'orage, le printemps et les lilas flétris,

et j'ai bu du vin blanc dans le noir presbytère.

Et mon âme est toujours terrible, douce et triste.

 

Francis James

"Le deuil des primevères"

 

 

 

 

 

dimanche 24 avril 2022

 

 

NUIT  RHÉNANE

 

 

Edward Burne Jones


 

Mon verre est plein d'un vin trembleur

comme une flamme

Écoutez la chanson lente d'un batelier

qui raconte avoir vu sous la lune

sept femmes

tordre leurs cheveux verts et longs

jusqu'à leurs pieds


Debout chantez plus haut

en dansant une ronde

que je n'entende plus le chant du batelier

et mettez près de moi 

toutes les filles blondes

au regard immobile, aux nattes repliées


Le Rhin, le Rhin est ivre 

où les vignes se mirent

tout l'or du monde tombe en tremblant

s'y refléter

la voix chante toujours à en râle-mourir

ces filles aux cheveux verts

qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat

de rire



Guillaume Apollinaire

"Alcools" 

 

 

 

 

lundi 4 avril 2022

 

LES EAUX DU PASSÉ

 

       Carol Peace   

 

 

 

 

Navigant sur les eaux du passé

face au ciel aplati sur l'horizon mat

des jours piégés au creux des jours

Navigant sur les plaies du silence 

dans une écume d'avenirs

éparpillés au vents

Portant aux lèvres ces embruns d'espoirs

avec leur goût de sels amers

Emporté vers ces ciels agrandis de vide

lieux-dits de dieux éteints depuis longtemps

J'ai habité des paysages où était ma place

sans qu'on puisse m'y rejoindre

et j'ai vécu la-bas 

dans un temps sans mesure



                                         shg