mardi 12 mai 2015






Colline de l'étoile 





photographie                                  Marie Saorin Gantès







Ici les anciens accueillaient le feu
Ici le feu créait le monde
A midi les pierres s'ouvrent comme des fruits
L'eau ouvre les paupières 
La lumière coule sur la peau du jour
Goutte immense où le temps se reflète et s'apaise.
                                                                        





Octavio Paz













 

lundi 11 mai 2015







Nuit 







Paul W. Ruiz






Quelle foudre par cette nuit 
                            sans pareil
Quelle blessure sur cette gorge 
                           sans reproche
Quel cri noir ensanglanté 
au travers des temps blancs
Quel dessein pour ceux qui meurent 
sans avoir vu passer leur vie
Quels sont ces mots arrêtés 
au bord de mes lèvres
et qui ont peur de tomber?
                                             






shg
mai 2015 

 















 

vendredi 8 mai 2015







Un rêve vigilant  






Andréa Mariconti






Dans le tumulte et le désordre, dans l'écheveau inextricable
des questions sans réponse et du parler tout seul,
Ce qu'il faut :  Un rêve vigilant offert à la lumière
et le palais secret ouvert à tous les vents.

                                                                                             







 Pierre Seghers  
Piranèse (extrait)




















Vies parallèles


 

  
"Portrait de Berthe Morisot"                          Edouard Manet






Jouisseurs
Voici le nombre multiplié
des présences anonymes
de ceux qui rendent synonyme
vivre et exister
avec leur refus des hiers
 aux exhalaisons vieillotes de camomille
et des demains aux jeux lassants.
Ce jour est roi qui luit.



Réprouvés
Dans l'écume de la houle humaine
ma main plongée soudainement a pâli
nul présent, point de futur
et le passé confus 
rien que souffrance enlacée de désespérance
hommes foulés dans la poussière du malheur
dépossédés de tout
de la douceur même des pleurs.

                                                   







Anne Dupin
février 1965


















 








mercredi 6 mai 2015







La honte







Sylvia Grav






             De combien d'yeux, 
             Et de combien de larmes sont nés les océans?
             Par combien de chemins s'écoulent les cris de nos malheurs
            Quand les dieux atterrés se cachent pour toujours.
            Quand ils ferment les yeux sur l'insoutenable horreur?

           Nos guerres, nos massacres, nos tueries, 
           Nos tortures, nos viols, nos mensonges.
           Par combien de remparts adossés
       Peut survivre ma raison protégée?

     Et par quels yeux
     Peut-on garder l'innocence dans une semblable vision?
     Et quels chemins alors autorisent encore l'innocence d'une danse
     Quand les dieux atterrés se cachent pour toujours.
    Quand ils ferment les yeux sur l'insoutenable horreur?

      Rien que durcir le cœur et assourdir les yeux...
     Que faire au quotidien 
     Pour supporter la honte
    D'appartenir au genre humain?

     Et pourtant quel chavirement du cœur,
    Quel irrépressible envolée de l'âme
   Quel éblouissement de l'esprit sensible
    A peine effleuré par rien de plus que l'ombre du Beau.

             Infime impact presque mortel
            Imperceptible attouchement
        Sur quelle région insoupçonnée de l'être.
         Rien ne résiste à cet éclair
         A cette silencieuse et magique échappée
             Ô salvatrice dissolution.
 
                             

                                


shg
avril 2015


 
















lundi 4 mai 2015



Piranèse





Jérome Bosch







Je vous écris avec une encre sans pardon
pour la mémoire et le stylite. Une colonne et puis une autre
dressent un temple imaginaire où les nuages se défont,
Je vous écris d'une prison où sont les fosses si profondes
qu'on y devine entre les murs des escaliers sans fin, tournant
jusqu'au plus noir du noir comme au cœur de silence
Je vous écris à voix posée comme un langage de captifs
pris dans leur solitude et plus grands, d'un abîme
d'où s'élève l'architecture des raisons,
des raisons folles, des tours de Babel, des idées
plantées dans l'eau et l'eau emporte leurs reflets.

                                                                             






Pierre Seghers 
"Piranèse" 1961

























Un chant d'adieux



Guy Denning





Votre forme est le dernier songe d'un malade
Que je ne connais pas et dont je ne verrai
Jamais la tombe. Je sais seulement qu'une pluie froide
D'extrême novembre enlinceule une contrée.

Votre voix d'hiver, brumeuse lointaine et lente,
Agonise au déclin apaisé de mon cœur
Comme un chant perdu de pêcheurs
Au large de la mer dolente.

Votre présence est lumière trouble que voient
Les yeux fermés de ceux qui pleurent leur enfance
Les voyages très anciens, les haltes
Dans un grand silence.

                                                       

                                                                                                                      O. V. de L. Milosz
                                                                                              "Chant d'adieux devant la mer"
                                                                                                        (extraits)