lundi 13 avril 2015






Ailleurs, ici, partout    






"La maison hantée"                          Hopper





Nos mains sont menées à la danse
Par l'aile et le chant des oiseaux
La table règle l'écriture
Le fin propos, la note juste
La table règle la moisson
Comme nos lèvres le plaisir
La marée monte comme l'arbre
Comme nos yeux qui se répandent
La voile fait un pas immense
Puis se gonfle pour tous les vents
Une voile s'en va, revient, gagne le large
Diminue à ma vue et grandit à l'escale
L'homme navigue et vole, il dénoue la distance
Il élude son poids, il échappe à le terre
Je peux vivre entre quatre murs
sans rien oublier du dehors
Chambre de l'ancien temps
Noyau d'un fruit géant
J'ouvre la porte qui en sort les fous, les sages
Tous plus beaux les uns que les autres
Chacun devançant le matin
                                                                        





Paul Eluard
"Ailleurs ici partout"
(extrait)


















Le pain et le vin   






" le jeune mendiant"                                                      B. E. Murillo






...et les fontaines chantent sans fin
au parfum des parterres fleuris.
Douces tintent dans l'air du soir
des cloches qu'on ébranle
et, mémoire des heures, 
crie un veilleur leur nombre.
Puis un souffle qui passe
émeut le faîte des arbres.
Vois! ce double d'ombre de notre terre, 
la lune arrive aussi, secrète,
en plein délire la nuit vient,
toute d'étoiles, 
indifférente à nos soucis.
Elle, la prestigieuse, 
l'étrangère parmi les hommes,
déployant sur les monts
tristesse et splendeur,
elle monte.

                                          







Hölderlin
   "Le pain et le vin" 
(extrait)























vendredi 10 avril 2015







les mots sont des jouets


  



papier découpé                                                                      Zack  Mclaughlin






Vois le saule 
aux longs cheveux d'argent
couchés sur la rivière,
et la pierre étendue 
à l'ombre de la branche
et l'alose paisible 
sous les reflets de l'eau
et l'orbe de cristal 
sous le touché d'une feuille.
Oh! Chante poète, 
chante!
Les mots sont des jouets 
et les mots sont des ailes.
                                   
                                   






  shg 
avril 2015














jeudi 9 avril 2015






L'homme mort    




Photographie                                                        Marie  Saorin


Lui, parmi les étoiles,
Dans la toile d'araignée des astres englué,
Oscillant comme au vent
A travers les ténèbres,
Lui, marqué au front par les étoiles,
Les étoiles, les étoiles lui consumant le cœur,
Lui, près de l'arbre blanc conçu,
Il s'en va.
Une once de soleil et de vent,
Deux doigts de rire,
Encore une parole
Et tu pourras partir.
Son visage est en sang.
Il s'en va.
Comme parmi les étoiles et les arbres.
Les étoiles le marquent au front.
Il s'en va
Au pays des étoiles et des arbres,
Des orages de l'âme.
                                    





 Srecko  Kosovel





















Le silence est trop profond  






" le chien"                                      Fransisco de Goya






Oh, mais il n'est pas de mort, pas de mort!
Seul le silence est trop profond,
Comme dans une verte forêt sans limite!
On s'éloigne seulement,
On se tait seulement
On est seul seulement, invisible et seul.
Oh, mais il n'est pas de mort, pas de mort!
On tombe seulement, on tombe seulement,
On tombe, on tombe
Dans le gouffre infini de l'azur.
                                                       






Sreko Kosovel




















mardi 7 avril 2015








La route, le vent et moi
(extrait)
      






"portrait d'enfant"                craie d'art                         Anne Dupin







La route mouillée glisse dans la campagne 
Et m'accompagne
Le vent furieux a claqué ma porte 
Et m'emporte
Il me bouscule dans le chemin 
Glace et rougit mes mains
Tourmente mes cheveux
Gifle mon visage et fouette mes yeux. 
La route mouillée m'emporte 
Et devant chaque porte
Nous passons tout trois
La route le vent et moi.
                                                   





   Anne Dupin
  janvier 1955 












lundi 6 avril 2015







Poussière de songes   






" la mal aimée"                          encre de Chine                           shg







            Celle qui est tendrement nouée par les choses de l'âme
           Celui qui est absent par miracle
       Tout est songe poussière de songes
      Les troupeaux qui ont mille ans à cause de la lune
        Et ces montagnes qui tremblent avec des noix
 
             Pavots vous ne serez pas la fleur vaine
            Elle a trop aimé les yeux ouverts
             La nuit l'accable de pierres
            Les yeux restent deux fleurs surnaturelles 
 
                                                                   






Georges Schehadé